Réflexions en avril 2024 : Le renforcement de la résistance nationaliste arménienne en Arménie et dans la diaspora est une priorité
Tout comme nous célébrons régulièrement le début de la nouvelle année, Noël ou Pâques, le peuple arménien commémore systématiquement chaque année le génocide. Nous nous efforçons d’honorer la mémoire d’un million et demi de nos martyrs, qui ont été canonisés comme saints, par le biais de diverses manifestations ecclésiastiques et politiques, tout en poursuivant, avec une efficacité décroissante, des efforts de plus en plus faibles pour demander justice et compensation à l’État criminel de Turquie et au monde entier pour les pertes inimaginables subies par notre nation il y a plus d’un siècle.
Cette année, cependant, j’écris pour tirer la sonnette d’alarme et souligner que la situation politique du peuple arménien est aujourd’hui incomparablement plus grave et préoccupante que jamais auparavant au cours du siècle qui a suivi le génocide. En d’autres termes, poursuivre nos efforts traditionnels en avril concernant le génocide arménien dans les conditions actuelles qui menacent l’existence même de l’État et du peuple arméniens indiquerait un manque terrible d’objectif approprié et de sérieux concernant notre cause nationale.
Il est clair que ces derniers temps, en particulier au cours de l’année écoulée, les facteurs contribuant à la résistance nationale, que ce soit en Arménie ou dans sa diaspora, s’affaiblissent rapidement et que si des efforts extraordinaires ne sont pas déployés pour y remédier, cela aboutira à un affaiblissement général et irréversible de la nation.
Tout d’abord, la situation dans la patrie elle-même est extrêmement préoccupante.
Les événements importants qui se déroulent sur le plan national et dans le domaine de la politique étrangère, en raison de l’émigration, affaiblissent encore davantage la capacité de résistance de la patrie, déjà fragile. La responsabilité en incombe principalement au gouvernement actuel. Je tiens à souligner que cette observation n’est pas liée à une intention partisane à courte vue de rivaliser ou de lutter contre un individu ou une organisation en particulier. La crise existentielle de la République d’Arménie aujourd’hui se situe certainement à un niveau très éloigné de toute considération de ce type.
Comme j’ai déjà abordé ce sujet à maintes reprises dans la presse, je me contenterai d’énumérer brièvement certains des points les plus importants.
Sur le plan intérieur, la série de propositions antinationales présentées récemment au plus haut niveau par les autorités, sous la pression évidente de la Turquie et de l’Azerbaïdjan, telles que la proposition de supprimer le symbole sacré national du mont Ararat des armoiries, sont totalement inacceptables et condamnables, tout comme les propositions visant à éliminer l’expression audacieuse du nationalisme dans les manuels scolaires et les revendications traditionnelles de la Constitution et d’autres textes officiels.
Une politique affaiblie et défaitiste
Sur le plan extérieur, la politique affaiblie et défaitiste de l’Arménie est encore plus inquiétante.
En effet, le gouvernement, sous le prétexte indiscutablement noble de poursuivre la paix, a adopté dans la pratique la politique destructrice et futile d’accéder docilement et unilatéralement à toutes les demandes territoriales de son voisin hostile. La plus grande victime de cette politique a été la perte de tout l’Artsakh en quelques heures l’année dernière. Cette politique est destructrice, notamment parce qu’il est évident que les exigences de l’implacable Ilham Aliyev sont sans fin. Plus précisément, leur véritable objectif est l’élimination complète de la République d’Arménie.
Ensuite, avec une profonde inquiétude, je dois noter que la dernière initiative à courte vue et non préparée de la politique étrangère de l’Arménie a été la grande performance du sommet de Bruxelles le 5 avril. Les conséquences graves et inquiétantes qui se cachent derrière les prétendus grands résultats se révèlent un peu plus chaque jour.
En effet, le gouvernement a opéré un virage à 180 degrés vers l’Occident, apparemment sans se préparer aux graves conséquences militaires, diplomatiques et économiques qui en résulteraient. Les autorités et le peuple arménien, malheureusement, s’apercevront rapidement que le soutien de plusieurs centaines de millions de dollars et les déclarations et promesses élogieuses faites à Bruxelles en faveur de l’Arménie ne peuvent rester que des tromperies, car aucune garantie de soutien militaire et géostratégique ou de protection directe n’a été donnée à l’Arménie.
Compte tenu de tous ces éléments, l’Arménie doit, aujourd’hui plus que jamais, élaborer une politique de salut national avec la participation de toutes ses forces vives et mettre en place une armée et un système de défense militaire hautement modernisés et inattaquables pour protéger les frontières de l’Arménie. Ce n’est qu’ensuite que l’Arménie pourra s’autoriser diverses initiatives diplomatiques audacieuses et sans entraves.
Mes réflexions d’avril concernent également l’autre pôle du monde arménien, que nous appelons superficiellement et si facilement la diaspora. Nous oublions souvent que cette partie multimillionnaire de notre peuple, désignée par ce seul mot, est littéralement dispersée sur la quasi-totalité de la surface de la planète. Il est donc tout à fait irréaliste que des personnes occupant souvent des postes importants parlent de « l’attitude de la diaspora », de « la pensée de la diaspora » ou des « attentes de la diaspora » comme d’un facteur unitaire national important qui devrait soutenir la mise en œuvre des exigences nationales de diverses manières.
Chers compatriotes, en ces jours d’avril, il est temps d’adopter enfin sérieusement et de manière réaliste une attitude telle que la diaspora devienne un facteur national vraiment important qui peut apporter son grand bénéfice à la patrie et à la lutte de la nation pour sa survie.
La diaspora, composée de millions d’individus, est véritablement riche en personnes à fort potentiel intellectuel et matériel et qui ont connu une réussite exceptionnelle. Au cours du siècle dernier, la diaspora arménienne a pu créer en son sein d’importantes organisations politiques, culturelles, philanthropiques et ecclésiastiques. Cependant, bien qu’il existe quelques liens de coordination ou d’unification entre ses différentes parties, la diaspora arménienne reste largement dispersée et collectivement inorganisée, et ne démontre donc que très peu de capacités sur la scène mondiale.
Nous avons fait l’expérience de cette incapacité au cours des derniers mois et des dernières années. Alors que l’Arménie et l’Artsakh vivaient l’une des périodes les plus tragiques de leur histoire sous les yeux indifférents de l’ensemble du monde dit civilisé, la diaspora, que nous considérions comme si importante, n’a pas pu exercer une influence suffisante pour prévenir ou même atténuer cette tragédie. J’ai abordé cette question extrêmement importante il y a plusieurs mois, en appelant tous les cercles dirigeants de la diaspora à faire preuve de courage pour lancer la création d’une structure politique diaspora-Arménie unie, qui disposerait de ressources financières, intellectuelles, juridiques et d’autres ressources aujourd’hui facilement accessibles.
La nécessité d’un puissant système de résistance panarménienne
L’objectif ultime est que cette structure globale coordonnée par l’Arménie et la diaspora forme un puissant système de résistance panarménienne, nécessaire pour que l’Arménie puisse résister avec succès à toutes les attaques prévisibles à venir par le biais de ses médias, de sa diplomatie, de son économie et de son armée.
Il s’agit là d’une conclusion très simple et logique de nos réflexions d’avril, même si je suis conscient que sa mise en œuvre, sans précédent, est très difficile dans la réalité.
Cependant, comme nous l’avons souligné plus haut, si le monde arménien se contente des commémorations classiques d’avril, le gouvernement, l’opposition, le parti politique, l’église ou les dirigeants intellectuels d’aujourd’hui seront collectivement tenus responsables de toutes les tristes conséquences des calamités existentielles et tragiques attendues.
Au lieu de cela, ceux qui ont des prétentions à la direction dans la patrie ou dans la diaspora doivent surmonter tous les obstacles prévisibles avec le maximum d’efforts. C’est ainsi que nous pourrons, sinon parfaitement, du moins avec un certain succès, relever ce grand défi pour assurer la survie honorable de l’État arménien et remplir véritablement notre devoir, tout en honorant la mémoire de nos innombrables et saints martyrs.