Afin d’obtenir des voix turques lors des prochaines élections, les partis belges ont déjà entamé des négociations pour le transfert de candidats turcs dans le Mercato politique.
Artı Gerçek, 18 septembre 2023
Pendant les mois d’été, les pages sportives des médias en Belgique, comme dans le reste du monde, sont remplies d’informations sur les transferts de footballeurs à des prix astronomiques, et les gros titres sont donc consacrés au Mercato !
Ce mot signifie « marché des transferts » en italien, et est utilisé dans les médias français depuis les années 90 pour désigner le « marché des transferts de footballeurs ».
Le marché des transferts dans le domaine du football venait de fermer lorsque le journal « La Libre Belgique » publiait un titre sensationnel sur un transfert dans le monde de la politique :
« Mercato dans le parti DEFI qui a transféré le député Emin Ozkara ! »
Le DEFI est un parti fondé en 1964 sous le nom de Front démocratique des francophones (FDF) pour défendre les droits des Belges francophones de la région bruxelloise, qui depuis 2015 a décidé de s’organiser en région wallonne et a changé de nom pour devenir Fédéraliste démocratique indépendant…
La nouvelle a surpris le monde politique belge, car les opinions politiques d’Emin Özkara, membre du Conseil régional de Bruxelles et du Conseil communal de Schaerbeek, et du DEFI sont très différentes.
Défense du régime d’Ankara en tant que député du parti de gauche…
Membre du Parti socialiste depuis 2004, Emin Özkara a été député régional et administrateur communal, membre d’un parti étiqueté « de gauche », mais comme beaucoup d’hommes politiques de nationalité turque et belge, il a été un ardent défenseur du régime turc dans les parlements où il a siégé.
Afin d’obtenir les votes des électeurs turcs lors des élections belges, il a imprimé et distribué des brochures électorales en turc et a toujours soutenu les efforts de lobbying de l’État turc en Belgique.
En outre, en sa qualité de vice-président du Parlement régional bruxellois, il a personnellement accueilli Yesugay Aksakal, président de l’Association des opérations spéciales de la police turque à la retraite, à Bruxelles le 17 janvier 2017 et a présidé la conférence qu’il a donnée. Aksakal, qui a été démis de ses fonctions à Istanbul en raison de son implication dans l’affaire Susurluk et l’assassinat du roi des casinos Ömer Lütfü Topal.
Emin Özkara a démissionné du Parti socialiste en 2019 après qu’Emir Kır, le bourgmestre de Saint-Josse, qui, comme lui, s’est toujours opposé à la reconnaissance du génocide arménien par l’État belge, a été exclu du Parti socialiste pour avoir reçu deux membres du MHP dans son bureau.
En revanche, le DEFI est un parti laïque qui a toujours critiqué les violations des droits de l’homme en Turquie et s’est toujours battu contre le port de vêtements religieux par les employés du service public et contre l’abattage d’animaux, pour le sacrifice, sans anesthésie.
Il semble que le DEFI, au pouvoir à Schaerbeek, deuxième commune de Bruxelles, en coalition avec le parti ECOLO depuis de nombreuses années, ait récemment vu ses chances électorales affaiblies par certaines pratiques qui ont suscité un large ressentiment parmi les habitants de la région, et qu’il ait tenté de procéder à des transferts sans aucune divergence d’opinion afin de regagner le pouvoir.
Le fait que deux mois plus tôt, le 30 juin 2023, le député bruxellois et conseiller communal de Schaerbeek Sadık Köksal ait quitté le DEFI et rejoint le Mouvement réformateur (MR) semble être la principale raison pour laquelle Emin Özkara, un ancien membre du PS ayant reçu un vote de préférence élevé de la part de la communauté turque lors des dernières élections, a été hâtivement transformé en Mercato.
L’écrivain et metteur en scène Erdinç Utku, un de nos amis qui s’intéresse à la politique de la Belgique, où ils vivent, ainsi qu’à la politique de la Turquie, et qui est un défenseur de la démocratie et des libertés dans les deux pays, a reflété cette nouvelle du Mercato dans son style humoristique sur sa page de médias sociaux comme suit :
« Le monde tourne, quoi qu’on en dise !
« Le DEFI a officialisé l’adhésion au parti d’Emin Özkara, qui a démissionné du PS et a continué à travailler en tant qu’indépendant.
« L’ambiance est animée. La politique bruxelloise connaît des développements vertigineux.
« Les regards se tournent désormais vers un autre ancien membre du PS, beaucoup plus influent… Un autre politicien prometteur, qui a attiré l’attention par ses sorties anti-laïques, cherche également des moyens de passer au PS.
« Alors que les partis belges sans principes disent ‘laissez venir les votes, peu importe de qui ils viennent’, ceux d’origine turque disent ‘laissez-moi me faire élire, peu importe où je me fais élire’.
« Nous avons déjà fait un sketch à ce sujet et nous devrions le rejouer cette saison… »
D’ici à ce que les listes de candidats aux élections communales du 13 octobre 2024 en Belgique soient déterminées, il ne faudra pas s’étonner de rencontrer de nombreux autres exemples frappants de comportements peu scrupuleux qui feront l’objet d’un sketch.
Le facteur Emirdag dans la commune de Saint-Josse…
Comme Erdinç l’a indiqué dans son article, les yeux sont maintenant tournés vers un ancien membre du PS beaucoup plus influent…. Emir Kır, qui a été maire de Saint Josse pendant des années, membre de l’Assemblée nationale belge, mais a été exclu du PS en 2019 pour avoir accepté deux membres du MHP dans son bureau, est très attendu avec quelle étiquette il participera aux élections de 2024.
Etant donné qu’un nombre important d’électeurs d’origine turque à Bruxelles, en particulier dans les communes de Schaerbeek et de Saint-Josse, sont originaires d’Emirdağ, il ne fait aucun doute qu’Emirdağ sera l’une des étapes les plus importantes de la campagne électorale des politiciens turcs qui souhaitent être réélus lors des prochaines élections en Belgique…
Serkan Koyuncu, le maire AKP d’Emirdağ, s’était rendu en Belgique avec une importante délégation en octobre dernier et avait rendu visite à Emir Kır, le maire de Saint-Josse, dans son bureau pour discuter de la coopération pour les célébrations du 60e anniversaire et de la signature d’un pacte d’amitié entre les deux municipalités. Emir Kır s’était également rendu à Emirdağ en juillet et avait rendu visite au maire Serkan Koyuncu dans son bureau.
Après 60 ans, c’est un fait que les Emirdagiens ne constituent plus la majorité absolue de la communauté turque immigrée en Belgique… Les ouvriers, les exilés politiques, les Kurdes, les Arméniens, les Assyriens, les Yazidis, les Arméniens, les Syriaques, qui ont dû quitter leur foyer en raison de l’oppression nationale, ont complètement changé la composition de la population turque à Bruxelles, comme dans le reste de la Belgique.
J’ai déjà écrit… Plus de 80 % de la population immigrée turque en Belgique se compose aujourd’hui de citoyens turcs originaires d’autres localités qu’Emirdağ. Les migrants des provinces kurdes, de la région de la mer Noire et des métropoles telles qu’Ankara, Istanbul et Izmir occupent une place importante dans cette masse.
Selon les chiffres de 2008 de l’ambassade de Turquie en Belgique, parmi les 187 700 immigrés turcs en Belgique, la proportion de résidents d’Emirdag était de 19,5 % avec 36 620 personnes, tandis que les résidents de Karakoçan constituaient 9,3 % avec 17 470 personnes.
Le nombre d’Emirdagis à Schaerbeek et Saint-Josse a augmenté avec la participation des retraités venus à Bruxelles après la fermeture des mines, et le quartier Emirdag d’Afyon a littéralement laissé son empreinte dans ces deux communes bruxelloises.
Le fait que 74,70 % des électeurs turcs en Belgique aient voté pour l’Alliance populaire lors des récentes élections présidentielles et législatives en Turquie pourrait signifier que les citoyens belges de Turquie voteront pour des candidats turcs proches de cette alliance lors des élections belges de 2024 ?
Il ne faut pas oublier que 44,56 % des électeurs turcs de Belgique ne se sont pas rendus aux urnes lors des dernières élections. Avec ceux qui ont participé aux élections et qui ont voté pour les partis d’opposition, le nombre de Turcs qui n’ont pas voté pour l’Alliance populaire s’élève à 91 595, soit 59,25 %.
Sans aucun doute, parmi cette masse, il y a aussi des Emirdağ et leurs enfants et petits-enfants qui sont démocrates, en faveur de la liberté et de la paix, et avec lesquels nous avons lutté ensemble contre les juntes dans les syndicats et les organisations démocratiques d’immigrés après les coups d’État du 12 mars et du 12 septembre.
De plus, si l’on tient compte des milliers d’Assyriens, d’Arméniens, de Yazidis, de Grecs, de Kurdes et de Turcs qui ont acquis la citoyenneté belge mais ne peuvent pas voter parce qu’ils ont perdu leurs droits de citoyenneté en exil politique, ce pourcentage est encore plus élevé. Dans ce pays d’Europe centrale, ceux qui ont voté pour Erdoğan et ses partisans constituent une minorité de 40,75 %.
C’est pourquoi les partis politiques belges doivent prendre ce fait en considération lorsqu’ils établissent leurs listes de candidats pour les prochaines élections.
Parallèlement, les partis d’opposition turcs et les organisations démocratiques turques organisées en Belgique devraient établir les contacts nécessaires avec les partis belges afin de garantir la nomination et l’élection de candidats qui ne seront pas des partisans du régime d’Ankara lors des élections belges.
Comme en Turquie, il est du devoir vital de chaque individu et de chaque organisation en Turquie de prendre part à la lutte pour la défense des droits et des libertés démocratiques en Belgique, où l’extrême droite se renforce.