Ce mois de juillet 2024 dégage un parfum de surréalisme fascinant… Le monde est au bord de la conflagration. Dans cet Occident collectif dont nous faisons partie, on rêve de déclencher la lutte finale contre le méchant Poutine et sa Russie éternelle et, pourquoi pas, contre Xi Jinping et son Empire du Ciel. Bercés par la conviction de leur supériorité et le mythe de leur invincibilité qu’entretiennent les réunions ou cérémonies de leur club du Bien, faisant fi des mises en garde des ennemis qu’ils se sont choisis et des plus sérieux de leurs propres experts, nos dirigeants se préparent à l’apocalypse, qu’ils disposent ou non de l’arme nucléaire. Deux mots sont dorénavant tabous, ou relégués dans la poubelle des vieilleries historiques : diplomatie et négociation…
Au pays des Lumières, on navigue en pleine obscurité et dans la patrie des Droits de l’Homme, tout se passe comme si notre sollicitude devait être réservée aux chiens ou aux chats. En tout état de cause, nous revoici revenus à un temps que les moins de soixante ans ne peuvent pas connaître, à ce pays des délices qu’était pour les partis politiques la Quatrième République.
Le monde peut flamber ou exploser, la France ne rêve plus qu’aux JO, à l’Euro, et surtout aux jeux de main et de vilain des partis, dans la meilleure de nos traditions. Bien que trois échéances – une européenne et deux nationales – leur aient été « proposées » en quelques semaines, les Françaises et les Français qui auraient eu la curiosité de jeter un coup d’œil sur les professions de foi des candidats (tes) n’auront sauf erreur pas trouvé une seule référence à ce qui, maintenant plus que jamais, conditionne leur avenir : à savoir le dilemme, même pas entre la paix ou la guerre, mais entre la guerre et la négociation, comme si ce dernier mot était un gros mot, et comme si en faire l’apologie, puisque le terme est à la mode, était un crime de guerre ou un crime contre l’humanité.…
La France, le « royaume du verlan »
A l’instar de tous les pays qui se présentent comme de « grandes démocraties », la France de ces années de plomb est par excellence le « royaume du verlan » : tout concept est désigné par un mot signifiant son inverse et tout « débat » est fondée sur un déni préalable…L’OTAN aboie aux portes de la Russie depuis deux décennies, mais il convient d’introduire toute intervention en condamnant d’emblée l’agression non provoquée de Poutine. De même, il n’est pas question d’aborder les évènements du 7 octobre 2023 à Gaza sans qualifier le Hamas de groupe terroriste : tant pis pour l’usurpation, la colonisation, l’apartheid dont sont victimes les Palestiniens depuis 1948 et tant pis pour le génocide dont ils sont les victimes sous nos yeux.. Les Israéliens ne sont-ils pas « des gens comme nous »?
C’est pourquoi le langage politique nous paraît de plus en plus « à côté de la plaque » voire inconvenant. Mon Dieu, comme il est malaisé de ne pas céder à l’emphase des mots quand on énonce de fausses vérités, d’utiliser un ton badin lorsqu’il s’agit seulement de banaliser la gravité d’une intention ou d’une décision. Et pourtant…
La guerre n’est pas à nos frontières, sauf à penser que l’Ukraine est notre pays, ce qu’elle n’est pas. Elle n’est que théoriquement aux frontières de l’Europe, à condition de déplacer celles-ci subrepticement vers l’Est, ce qu’a fait l’OTAN depuis trente ans. Non, la guerre d’Ukraine n’est pas notre guerre…Et je ne crois pas que les habitants de la douce France seraient ravis d’envoyer leurs enfants et leurs petits-enfants sur le front ukrainien, sauf à considérer que seuls les voisins ou les « gens du commun » seraient concernés. Beaucoup estimeront d’ailleurs « qu’un Président ne devrait pas dire ça », ne devrait pas dire qu’il « va être obligé d’envoyer ses gars », même pour montrer qu’il a l’habitude de maîtriser les foules, faisant fi des règles de la démocratie…
Mais après tout, sans chercher midi à quatorze heures, ou sans chercher la petite bête du côté de l’Est ou de l’Orient, le royaume du verlan n’est-il pas chez nous ? Trois consultations électorales et même combat : trois parties en présence …et un grand prodige se dessinant d’un week-end à l’autre : notre démocratie est à qui perd gagne, moins on a de voix plus on gagne, et plus on a de suffrages plus on est perdant. Ce n’est pas beau, la magie ?