Des décisions difficiles pour l’Arménie

par | 20 Mar 2024 | Tribunes libres

Tout au long de son histoire, l’Arménie a été captive de sa propre position géographique ainsi que des intérêts et des conflits des grands acteurs de son voisinage. Pendant des siècles, en raison de ces circonstances, l’Arménie a perdu non seulement des territoires, mais aussi le statut d’État, qu’elle n’a retrouvé que difficilement à la suite de l’effondrement de l’URSS. Si, au cours des siècles, l’Arménie a été divisée entre différents empires régionaux, perdant des terres et subissant des massacres et des génocides, à l’ère moderne, elle est à nouveau au centre des intérêts des acteurs régionaux et mondiaux, tels que la Russie d’une part et l’Occident d’autre part.

 

Aujourd’hui, ce jeune État est à nouveau confronté à la perte de son statut d’État et de ses territoires pour les mêmes raisons géopolitiques, ainsi qu’à l’absence d’une gouvernance efficace et d’un système et d’une stratégie de sécurité nationale fiables. L’Arménie moderne est aujourd’hui confrontée non seulement à la Turquie voisine, mais aussi à l’Azerbaïdjan. Les relations tendues entre l’Iran et l’Occident, l’Iran et Israël et, comme nous l’avons déjà mentionné, l’Occident et la Russie, sont extrêmement inquiétantes. Si nous regardons l’histoire, nous verrons que, suite aux conflits entre les acteurs mondiaux, l’Arménie a toujours perdu, et que son territoire a été divisé à différents stades de son histoire entre l’Iran, la Turquie, la Russie, etc.

Les relations entre l’Occident et la Russie étant extrêmement tendues actuellement, l’Arménie sera à nouveau mise à l’épreuve. Après la fin de la guerre froide, les relations entre la Russie et l’Occident semblaient plus ou moins apaisées, mais elles sont aujourd’hui plus tendues que jamais, et les sanctions interminables imposées par l’Occident soulignent cette réalité. Dans le passé, l’Arménie n’était pas tenue de faire un choix clair entre la Russie et l’Occident ; aujourd’hui, il est presque impossible de rester impartial, et toute partie en conflit attend une position claire de la part de l’Arménie, y compris les demandes de l’Occident de se joindre aux sanctions appliquées à l’encontre de la Russie.

Nous constatons que l’Arménie doit jouer un jeu dangereux et faire un choix qui lui est imposé. Si l’Arménie choisit le camp russe, elle sera punie par l’Occident, et si elle choisit la direction européenne et l’OTAN, elle sera certainement punie par la Russie, comme nous l’avons vu dans les scénarios de l’Ukraine et de la Géorgie.

Les outils utilisés par les superpuissances pour punir l’Arménie sont assez clairs et aujourd’hui, comme aux différentes étapes de son histoire, l’Arménie perd à nouveau des territoires et est à nouveau confrontée à la perte de sa souveraineté. Cependant, à cette époque, il est très difficile de faire des prédictions précises sur l’évolution future de l’Europe, et l’Arménie ne devrait avancer que sur un seul principe : préserver son statut d’État et son intégrité territoriale. Au début des années 1990, pour la première fois au cours des derniers siècles de son histoire, l’Arménie a créé un État et a pu récupérer des territoires historiques. Malheureusement, l’Artsakh libre n’a survécu que 30 ans, échouant pour les mêmes raisons et parce que le gouvernement arménien était prêt à céder l’Artsakh à l’Azerbaïdjan.

 Un choix difficile

Comme nous l’avons déjà mentionné, l’Arménie est confrontée à un choix difficile. Elle risque de perdre sa souveraineté et son territoire et d’être à nouveau victime de massacres et de nettoyage ethnique. Des pressions notables s’exercent sur l’Arménie pour qu’elle décide si elle reste dans l’orbite russe ou si elle veut se tourner vers l’Europe et l’OTAN. La question de savoir si l’Arménie souhaite quitter l’Union économique eurasienne (UEEA) et l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) et se tourner vers l’UE n’est pas encore résolue. Prendre ce type de décision nécessite des arguments de poids, des calculs profonds, des combinaisons complexes et en plusieurs étapes, des prévisions géopolitiques, une stratégie claire et, bien sûr, une volonté politique.

En d’autres termes, l’Arménie est entrée dans la phase de calcul et d’analyse approfondie. Je laisse aux lecteurs le soin de juger si Erevan possède de telles capacités et compétences, mais il est évident qu’elle doit effectuer ces calculs de son propre chef, sans dépendre d’aucune autre partie, car toute autre partie proposera des solutions basées sur ses propres intérêts, et non sur ceux de l’Arménie.

Dans mon prochain article, j’examinerai si l’Occident lui-même est prêt à accepter l’Arménie en tant que membre de la famille.

 

Source : https://mirrorspectator.com/2024/03/19/difficult-decisions-for-armenia/
Traduit de l’anglais par Jean Dorian