Cachez ce livre que je ne saurais voir

par | 17 Août 2024 | Tribunes libres

 

« Spymaster » est un livre écrit par Oleg Kalougine, un ancien général du KGB, qui est devenu célèbre pour avoir révélé des informations sensibles sur les opérations et les méthodes du KGB après avoir quitté l’organisation. Kalougine a été l’un des plus jeunes généraux du KGB et a occupé des postes importants au sein de l’organisation, notamment en tant que chef du contre-espionnage soviétique. Dans son livre, il expose les tactiques du KGB et partage des récits d’espionnage, d’intrigues politiques et de trahisons.

Le livre est parfois considéré comme controversé parce qu’il dévoile des secrets d’État soviétiques et critique sévèrement les pratiques du KGB. Cela a conduit à des tensions entre Kalougine et les autorités russes, et le livre est souvent vu comme une menace pour la réputation de l’ex-KGB.

Les lecteurs arméniens seront particulièrement surpris par un passage dans le livre se référant à une partie politique arménienne.

Il s’agit de la FRA – Dashnaktsoutyoun (Fédération Révolutionnaire Arménienne) fondé en 1890 à Tiflis (Tbilissi).
Longtemps la FRA a été considérée comme une organisation nationaliste arménienne, luttant sinon pour l’indépendance au moins pour une autonomie de l’Arménie, d’abord sous l’Empire ottoman, ensuite, (après une courte indépendance entre mai 1918 et décembre 1920), contre l’Union soviétique.

Or de nos jours, ce parti, dont certains nomment le « parti caméléon » à cause de ses alliances parfois à gauche, parfois à droite selon les circonstances, est devenu, contre tout attente, pro russe tenace, critiquant le Premier ministre Nikol Pachinian, organisant des manifestations anti-gouvernement, demandant sans cesse la démission du Premier ministre qui, lui, est plutôt tourné vers l’Occident.

Voici le passage du livre du général Kalougine concernant la FRA :

« Nous avons réussi à pénétrer les organisations d’émigrés baltes, notamment en Suède. Nous disposions également d’un bon réseau d’agents parmi les émigrés ukrainiens, en particulier au Canada, où plusieurs millions d’Ukrainiens s’étaient installés. Mais l’organisation d’émigrés que nous avons le plus infiltrée est le groupe d’exilés arméniens, Dashnaktsutyun.

Il s’agissait autrefois d’un groupe nationaliste qui militait en faveur d’un État arménien indépendant. Au fil du temps, nous y avons placé tellement d’agents que plusieurs d’entre eux ont accédé à des postes de direction. Nous avons réussi à neutraliser efficacement le groupe et, dans les années 1980, Dashnaktsutyun a cessé de lutter contre le pouvoir soviétique en Arménie.

L’organisation et certains de ses membres avaient été cooptés par le KGB. Des années plus tard, en 1992, alors que les dirigeants de Dashnaktsutyun et d’autres nationalistes arméniens attaquaient le président arménien Levon Ter-Petrosyan parce qu’il n’était pas assez nationaliste, j’ai reçu un appel du président [LTP], avec lequel j’avais eu plusieurs conversations amicales, à mon appartement de Moscou. Il m’a demandé de l’aider à repousser les attaques du Dashnaktsutyun, et je lui ai fourni, ainsi qu’à la presse arménienne, des informations sur la profonde pénétration du KGB dans ce groupe d’émigrés dans les années 1970. »

Le livre « Spymaster » d’Oleg Kalougine semble révéler des informations sensibles, en particulier concernant l’infiltration par le KGB de la Fédération Révolutionnaire Arménienne (FRA – Dashnaktsoutyoun). Kalougine, un ancien général du KGB, expose dans ce passage comment le KGB aurait infiltré la FRA, un parti nationaliste arménien, pour neutraliser ses activités contre l’Union soviétique. Cela explique, selon Kalougine, la transformation de ce parti, autrefois farouchement indépendantiste, en une organisation critiquée pour ses positions actuelles, perçues comme pro-russes.

Cette révélation a des implications importantes, notamment dans le contexte politique actuel, où la FRA est active en Arménie et souvent critique à l’égard du gouvernement actuel. Le livre pourrait donc susciter des débats intenses, surtout parmi ceux qui s’intéressent à l’histoire politique arménienne et aux relations avec la Russie.