Dans l’actualité politique, sociologique du monde dans lequel nous vivons, il nous a semblé pertinent de reprendre l’analyse de Jonas Koblin (sproutsschools.com), publié en octobre 2021, sur la théorie de Dietrich Bonhoeffer, un pasteur allemand qui avait combattu le racisme du régime nazi.
Dietrich Bonhoeffer a affirmé que les personnes stupides sont plus dangereuses que les personnes malveillantes. En effet, si nous pouvons protester contre les méchants ou les combattre, nous sommes sans défense face aux stupides : nos raisons tombent dans l’oreille d’un mort. Le célèbre texte de Bonhoeffer, « Bonhoeffer’s Theory of Stupidity », sert à toute société libre d’avertissement sur ce qui peut arriver lorsque certaines personnes acquièrent trop de pouvoir.
L’histoire complète
Dans les pages les plus sombres de l’histoire de l’Allemagne, à une époque où des foules excitées jetaient des pierres dans les vitrines de commerçants innocents et où des femmes et des enfants étaient cruellement humiliés au grand jour, Dietrich Bonhoeffer, un jeune pasteur, a commencé à s’exprimer publiquement contre les atrocités commises.
Après des années passées à essayer de faire changer les gens d’avis, Bonhoeffer est rentré chez lui un soir et son propre père a dû lui annoncer que deux hommes l’attendaient dans sa chambre pour l’emmener.
En prison, Bonhoeffer a commencé à réfléchir à la façon dont son pays de poètes et de penseurs s’était transformé en une collectivité de lâches, d’escrocs et de criminels. Il finit par conclure que la racine du problème n’est pas la méchanceté, mais la stupidité.
Dans ses célèbres lettres de prison, Bonhoeffer affirme que la stupidité est un ennemi du bien plus dangereux que la malice, car si « on peut protester contre le mal ; on peut le dénoncer et l’empêcher par l’usage de la force, contre la stupidité nous sommes sans défense. Ni les protestations, ni l’usage de la force ne servent à rien. Les raisons tombent dans l’oreille d’un sourd ».
Les faits qui contredisent les préjugés d’une personne stupide n’ont tout simplement pas besoin d’être crus et, lorsqu’ils sont irréfutables, ils sont simplement mis de côté comme étant sans importance, comme étant accessoires. Dans tout cela, la personne stupide est satisfaite d’elle-même et, comme elle est facilement irritée, elle devient dangereuse en passant à l’attaque.
Ce qui est certain, c’est que la stupidité n’est pas, par essence, un défaut intellectuel mais un défaut moral. Il y a des êtres humains qui sont remarquablement agiles intellectuellement et pourtant stupides, et d’autres qui sont intellectuellement ennuyeux et pourtant tout sauf stupides.
L’impression qui s’en dégage n’est pas tant que la stupidité est un défaut congénital, mais que, dans certaines circonstances, les gens deviennent stupides ou, plutôt, qu’ils laissent faire.
Il apparaît que toute forte poussée de pouvoir, qu’elle soit de nature politique ou religieuse, contamine de stupidité une grande partie de l’humanité. Comme s’il s’agissait d’une loi sociologico-psychologique où le pouvoir des uns a besoin de la stupidité des autres.Il ne s’agit pas ici d’une défaillance soudaine de certaines capacités humaines, comme l’intellect. Il semble plutôt que, sous l’impact écrasant d’un pouvoir croissant, les hommes soient privés de leur indépendance intérieure et renoncent, plus ou moins consciemment, à une position autonome.
Le fait que la personne stupide soit souvent têtue ne doit pas nous faire oublier qu’elle n’est pas indépendante. En discutant avec lui, on a pratiquement l’impression de ne pas avoir affaire à lui en tant que personne, mais à des slogans, des mots d’ordre et d’autres choses du même genre qui se sont emparés de lui.
Il est envoûté, aveuglé, maltraité et abusé dans son être même. Devenue un outil sans cervelle, la personne stupide sera également capable de faire n’importe quel mal – incapable de voir qu’il s’agit d’un mal.
Seul un acte de libération, et non une instruction, peut vaincre la stupidité. Il faut ici se rendre à l’évidence que, dans la plupart des cas, une véritable libération intérieure ne devient possible que lorsqu’une libération extérieure l’a précédée. En attendant, nous devons abandonner toute tentative de convaincre la personne stupide.