En janvier 1990, Bakou est le théâtre de pogromes prenant pour cibles les Arméniens vivant dans la capitale de l’Azerbaïdjan alors soviétique. Près de 2 ans avant, les Arméniens de Soumgaït avaient été les victimes de semblables violences, mais l’armée soviétique ne réagira que tardivement pour défendre la population arménienne. Ces pogromes ont mis un terme à la présence pluriséculaire des Arméniens à Bakou et ont provoqué l’exode de l’ensemble de la population arménienne de l’Azerbaïdjan.
Un peu moins de 2 ans après les pogromes de Soumgaït, une ville pétrolière azérie des rives de la mer Caspienne qui avait été le théâtre fin février 1988 de scènes de violence sans précédent contre la population arménienne, Bakou, à son tour, est en proie à un déchaînement de violences visant la communauté arménienne implantée depuis des siècles dans la capitale de l’Azerbaïdjan alors encore soviétique. Obéissant à un scénario bien rodé, des milices armées déferlent dans les rues de Bakou le 14 janvier 1990, attisant la haine de la foule contre les Arméniens de la ville, qui doivent payer le prix, selon les nationalistes locaux, de la résistance qu’opposent depuis 2 ans les Arméniens du Haut Karabagh à l’arbitraire azéri. L’armée soviétique reste dans ses casernes, et elle attendra quelques jours avant de faire cesser les violences, avec l’aval des autorités communistes alors au pouvoir à Bakou. Une attitude qui prête encore aujourd’hui à spéculations. En butte à différents mouvements nationalistes, l’URSS est en pleine déliquescence, et certains attribuent l’attentisme du pouvoir soviétique aux mains de Gorbatchev, à une politique du « diviser pour mieux régner ». Toujours est-il que l’intervention tardive des forces soviétiques aura pour effet de vider Bakou de ses Arméniens et d’exacerber un nationalisme azéri qui se nourrit jusqu’à aujourd’hui du souvenir de ses « martyrs » victimes de la répression exercée par Moscou. Autant dire que, 23 ans après, l’Azerbaïdjan n’est pas près de reconnaître que cette effusion de sang a trouvé son origine dans les pogromes qui ont mis un terme à la présence pluriséculaires des Arméniens non seulement à Bakou, mais aussi à Kirovabad (Gandja) et dans d’autres villes de l’Azerbaïdjan, vidées de leur population arménienne. Entre les pogromes de Soumgaït et de Bakou, 400 000 Arméniens ont dû quitter l’Azerbaïdjan, au terme d’un « nettoyage ethnique » qui achevait un processus engagé lors des guerres arméno-tatares du début du 20e siècle. Aujourd’hui, le régime azéri, loin d’assumer sa responsabilité dans les exactions commises contre les Arméniens, présente les victimes comme les bourreaux, réécrivant une histoire pourtant récente, dont les témoins directs, ces réfugiés arméniens de Bakou et d’autres villes de l’Azerbaïdjan, vivent toujours dans la plus grande précarité parfois, mais dans la sécurité, au Karabagh, en Arménie, en Russie ou ailleurs. Et s’il n’y a plus d’Arméniens à Bakou, le régime azéri persiste à les désigner comme les principaux ennemis de l’Azerbaïdjan, où qu’ils se trouvent, en les menaçant, par des discours belliqueux et haineux, de la hache du bourreau, de celle qui armait les mains des auteurs des pogromes, il y a 25 ans, et plus récemment, celles de l’officier Ramil Safarov, traité en héros par le président Aliev pour avoir tué un officier arménien à Budapest en 2004.