Dink est tombé en martyr. Il a payé un lourd tribut sur le chemin escarpé vers une démocratie qui le voulait pour son pays, ce pays barbare dont certains essayent encore de montrer drapé dans les accoutrements trompeurs du laïcisme et du modernisme.
Dans son dernier article écrit le 10 janvier il se considérait comme une colombe ; fragile, effarouché, mais libre. « En Turquie on ne tue pas les colombes » écrivait-il. « Mais je reste vigilant et comme un pigeon je regarde devant, derrière, à gauche et à droite pour me défendre en cas de besoin ». Le bras armé de l’État profond (Derin Devlet), ce magma hideux composé de généraux fascistes, des mafieux, des services secrets et des hommes d’affaires influents, était plus rapide, plus mordant, comme un serpent, que notre colombe pacifique.
Ils ont voulu tuer la conscience des démocrates et des progressistes en assassinant Hrant Dink. Ils n’y arriveront pas. Avec cet odieux attentat ils ont franchi la ligne jaune. Ce soir-là, les amis de Dink, Arméniens mais aussi Turcs, ont été par milliers devant l’immeuble de son journal Agos à crier : « Nous sommes tous des Arméniens ! ».
Maudit soient les mains qui ont osé tuer la colombe.
Varoujan Sirapian
Président de l’Institut Tchobanian