La politique iranienne dans le contexte des négociations de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
Source : https://mirrorspectator.com
Alors que l’Arménie et l’Azerbaïdjan se rapprochent de la signature d’un accord d’ici la fin 2023, et que la concurrence s’intensifie entre la Russie et l’Occident pour diriger le processus et remporter le prix du principal pacificateur, d’autres acteurs régionaux prennent des mesures pour clarifier leurs positions. Dans ce contexte, l’Iran apparaît comme l’un des principaux tampons contre le rôle croissant de l’Occident dans le Caucase du Sud.
Engagé avec les États-Unis dans des négociations continues visant à relancer l’accord nucléaire de 2015 dans son intégralité ou du moins en partie, l’Iran est simultanément préoccupé par les efforts des États-Unis visant à réduire l’influence de la Russie dans le Caucase du Sud. Ce n’est pas parce que l’Iran aime la Russie ou lui fait confiance, mais parce qu’il comprend les dangers d’un encerclement par les États-Unis, y compris par le nord. En outre, pour l’Iran, l’influence des États-Unis ne se traduit pas par des bases militaires ou des investissements directs américains.
Téhéran comprend trop bien les tendances actuelles de la géopolitique mondiale pour ne pas avoir une vision claire de ce que signifie l’influence au XXIe siècle. Un pays n’a pas besoin de bottes sur le terrain ou d’investissements directs pour exercer une influence. Cela peut également se faire par le biais d’un réseau d’alliances et de partenaires, et depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est ce que les Américains savent faire de mieux. Ainsi, du point de vue de l’Iran, l’augmentation de la présence israélienne ou l’accroissement de l’influence turque aboutissent, en fin de compte, au même résultat : plus de présence américaine dans la région.
Dans ce contexte, l’Iran ne peut ignorer les négociations de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, notamment en raison de l’implication croissante des États-Unis. Les États-Unis figuraient également parmi les acteurs clés du processus de négociation avant la guerre du Haut-Karabakh de 2020, en tant que pays coprésident du groupe de Minsk de l’OSCE. Néanmoins, à cette époque, la Russie jouait un rôle de premier plan dans le processus de négociation en tant qu’autre coprésident. Cependant, la guerre en Ukraine a de facto tué le groupe de Minsk de l’OSCE. Alors que la Russie a réorienté ses ressources vers l’Ukraine et sa confrontation avec l’Occident collectif, les États-Unis ont considérablement accru leur participation au processus de négociation à titre individuel. Les Américains ont organisé deux sommets des ministres des affaires étrangères d’une durée de deux jours à Washington, ce qui a permis de faire avancer les travaux sur un traité de paix. Les États-Unis coopèrent étroitement avec l’UE, et ces deux voies de négociation parallèles Washington/Bruxelles incarnent l’influence croissante de l’Occident.
L’influence turque
Dans le même temps, la Turquie envoie des signaux clairs indiquant qu’immédiatement après l’accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, elle est prête à normaliser pleinement ses relations avec l’Arménie, y compris en ouvrant la frontière terrestre et en établissant des relations diplomatiques. Il n’est pas nécessaire d’être un éminent expert en relations internationales pour comprendre que ces mesures auront un impact significatif sur l’équilibre des pouvoirs dans la région, renforçant considérablement les positions de la Turquie et de l’Azerbaïdjan. En même temps, du point de vue iranien, au niveau stratégique, l’influence turque équivaut à l’influence américaine. Aucune rixe publique ou privée entre les responsables américains et turcs sur des questions telles que l’adhésion de la Suède à l’OTAN ne peut modifier le calcul iranien.
Par ailleurs, le Caucase du Sud n’est pas l’arène principale des intérêts nationaux vitaux de l’Iran et ne peut rivaliser avec le Moyen-Orient pour attirer les ressources iraniennes. L’économie iranienne étant confrontée à de multiples défis, Téhéran ne peut réduire son engagement en Syrie, en Irak et au Liban pour étendre sa présence dans le Caucase du Sud. En outre, l’Iran ne peut se permettre un conflit direct avec la Turquie dans la région. Ainsi, compte tenu des ressources limitées et des contraintes géopolitiques, les principaux outils de Téhéran dans la région consistent à envoyer des messages à la Russie et, dans une moindre mesure, à l’Arménie pour leur faire part de ses préoccupations, dans l’espoir que le Kremlin en tienne compte. Dans ce contexte, le document publié par Ali Akbar Velayati, conseiller principal du Leader de la Révolution islamique, l’Ayatollah Ali Khamenei, sur les affaires internationales, est de la plus haute importance, car il transmet les principaux messages stratégiques de l’Iran sur la lutte géopolitique en cours dans le Caucase du Sud.