Ce que savait Netanyahou avant le 7 octobre

par | 1 Sep 2024 | Tribunes libres

Une seule personne dispose d’un tableau complet de ce que savait Netanyahou avant le 7 octobre

 

Par Aluf Benn

 

Le leader de l’opposition Yair Lapid a indiqué qui sera le témoin clé dans toute enquête future sur l’échec du 7 octobre : le général de division Avi Gil, qui était le secrétaire militaire du Premier ministre Benjamin Netanyahu avant la guerre et à ses débuts.

Lors de sa comparution jeudi devant la commission d’enquête civile indépendante, M. Lapid a relaté les événements de l’été fatidique 2023 et a raconté le briefing de défense qu’il a reçu de M. Gil, en présence de M. Netanyahou, dans lequel l’officier supérieur a émis un avertissement « exceptionnellement sévère » concernant les menaces croissantes à la sécurité sur tous les fronts.

Gil, un soldat de combat et un commandant qui a commencé sa carrière militaire dans la brigade des parachutistes, écoutait lorsque le chef d’état-major et les chefs du renseignement militaire, du service de sécurité Shin Bet et du Mossad ont averti Netanyahou que la guerre était imminente.

Il a lu toutes les évaluations des services de renseignement et les rapports de situation qui affluaient de plus en plus fréquemment au bureau du Premier ministre et qui décrivaient la « tempête qui s’amoncelait » au-dessus d’Israël. Il était assis à côté du téléphone qui n’a pas sonné la nuit fatidique du 6 octobre, lorsque le chef d’état-major des FDI, Herzl Halevi, et le chef du Shin Bet, Ronen Bar, ont discuté des signes alarmants en provenance de Gaza et n’ont pas signalé à la chaîne de commandement que quelque chose de grave risquait de se produire dans les communautés frontalières de Gaza, jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

Pour autant que l’on sache, Gil n’était pas membre du cercle rapproché de Netanyahou. On peut supposer que, parce qu’il avait travaillé sous les premiers ministres du gouvernement dit de changement, il a été automatiquement soupçonné d’être potentiellement déloyal jusqu’à ce qu’il s’efface discrètement pour prendre son congé de préretraite. Après son départ, le journaliste Nadav Eyal a écrit dans Yedioth Ahronoth que le secrétaire militaire sortant avait signalé au procureur général Gali Baharav-Miara les tentatives des associés de Netanyahou de falsifier la documentation relative à la prise de décision au début de la guerre. (Le bureau du Premier ministre a nié l’accusation).

Plus que toute autre personne, Gil pourra témoigner de ce que Netanyahou savait de la guerre imminente, comment il a réagi aux avertissements de plus en plus terribles et comment il s’est comporté au début de la guerre et au cours de ses premiers mois fatidiques.

Selon M. Lapid, M. Netanyahou est resté assis, « ennuyé et indifférent », lorsque son secrétaire militaire a parlé de la catastrophe imminente lors de leur réunion du 21 août 2023. Les remarques de M. Lapid ne doivent pas être considérées comme une attaque prévisible contre un rival politique. Elles renforcent l’idée que le premier ministre est déconnecté, que son mépris pour les avertissements des services de renseignement n’est pas seulement dû à son désir de faire avancer le coup d’État judiciaire et de préserver sa coalition, mais aussi à un problème d’attention et de focalisation.

Les signes se multiplient et rappellent ceux du rival de M. Netanyahou, le président américain Joe Biden : le peu d’heures de travail au bureau, l’évitement des interviews, les performances scénarisées devant un public sympathique ou des figurants en uniforme, l’influence croissante – et peut-être décisive – des membres de la famille. M. Netanyahou est plus à l’aise pour parler et faire des discours en anglais qu’en hébreu. Comme Biden, il semble parfois déterminé et concentré, surtout lorsqu’il étudie le texte à l’avance, comme lors de son discours devant le Congrès.

Mais sa rare apparition devant un public peu sympathique d’anciennes otages et de familles d’otages encore à Gaza, dont certaines parties ont été diffusées il y a plus d’une semaine, a fait naître le soupçon que M. Netanyahou n’était pas pleinement présent.

Son discours semble cohérent et ininterrompu, alors que le contenu l’est moins : les souvenirs de sa captivité et de sa survie lors d’un entraînement militaire, la question « Quel accord ? », l’allégorie de la construction d’une route vers l’Italie, l’évocation des plans de l’Iran pour anéantir Israël, le besoin d’aide de Sara Netanyahou pour répondre à des questions difficiles sur la responsabilité du désastre. « Ils ne lui ont rien dit », a déclaré l’épouse du Premier ministre, rejetant la responsabilité sur les chefs de l’armée et des services de renseignement.

Ou peut-être qu’ils lui ont vraiment dit et qu’il n’a pas entendu, ou qu’il était simplement « ennuyé et indifférent » ? Il y a une personne qui a vu, entendu, enregistré et qui était présente, c’est le général de division Avi Gil. Il sera fascinant d’entendre son témoignage.

Source :
https://www.haaretz.com/opinion/
Traduit de l’anglais par Jean Dorian